Quand le fondateur de NDVDLS (prononcé Individuals) est venu me voir, il avait des étoiles dans les yeux. Appelons-le simplement G. J’ai tout de suite senti chez lui un sens du goût et une différence marquée. Il cherchait à créer une identité viscérale pour transmettre la puissance du techno visionnaire ; une sorte de représentation visuelle d’un état de conscience altéré. Quelque chose avec la puissance d’un kick 909, le mystère d'un synthétiseur atmosphérique et le mouvement expressif d'humains qui dansent.
Inspiré par les philosophies orientales, G perçoit le son comme une architecture sacrée, façonnant des espaces permettant de révéler l’immensité intérieure du corps-esprit et de générer des expériences humaines de sommet. La vibration comme matière première de l’univers ; un outil d’éveil.
NDVDLS cherchait à élever ses rassemblements au rang de rituel contemporain : enracinés dans la puissance primitive de la répétition rythmique et dans des visions d’ancêtres dansant au son des tambours tribaux, tout en étant raffinée par un code esthétique moderne et un grand savoir-faire sonore.
Quelque chose de primitif, mais ancré dans le langage visuel austère du techno et ses espaces de béton caverneux. Le résultat se voulait brut mais universel, proche d’un sigil ésotérique : une invitation à changer son état de conscience.
Pour la signature NDVDLS, je suis sorti des sentiers battus et j’ai instinctivement navigué vers la peinture. Les coups de pinceau révèlent une main humaine d’une manière que les vecteurs ne peuvent pas : ils ajoutent de la vie par la texture, l’expressivité et l’abandon au geste.
J’ai combiné les traits de pinceau avec de la peinture aux doigts, en poussant la matière de façon intuitive, en canalisant quelque chose de spontané, chargé et rythmique. J’ai créé des dizaines de variantes pour chaque lettre, puis sélectionné les meilleures pour composer le logo final.
J’avais des doutes sur la versatilité d’un logo raster, mais scanner les lettres en haute résolution (1200 ppp) nous a donné un rendu impeccable allant jusqu'à des formats immenses. Pas de problème.
Restait à tester les petits formats ou les vues à distance. Tout passe haut la main. De loin ou en petit format, les détails s’effacent, mais les traits gras restent lisibles ; le style, immédiatement reconnaissable.
Cela dit, la vraie magie se découvre vue de près. En s'approchant, chaque lettre révèle de nouvelles entités : mille histoires de toucher et de mouvement dansant ensemble pour former un tout.
Comme des individus au sein d’un collectif.
Au-delà d’un certain seuil, les lettres s’effacent, laissant place à une peinture abstraite, qui offre plusieurs niveaux d’interprétation.
Le soi présymbolique peut explorer un agencement hédonique de gestes, ressentant des énergies kinesthésiques qui poussent, tirement, grattement, éclaboussent...
À l’inverse, l’inconscient génère des interprétations dans le chaos : il voit des visages, des formes, des animaux émerger du jeu des vides et des pleins. Comme un test de Rorschach asymétrique, il sollicite multiples interprétations.
Pour certains, les traînées de peinture deviennent une carte des mouvements sur le plancher de danse.
Pour un synesthète, les textures deviennent des timbres sonores : les points fins peuplent l’espace comme des blips sinusoïdaux, les éraflures s'effritent comme si elles passaient dans un filtre de distorsion, les traits épais s’imposent comme le grondement d’un Moog Minotaur.
Le matériel visuel complémentaire a été conçu avec une retenue intentionnelle. Helvetica. Les messages sont courts et codés : un mécanisme nécessaire pour protéger les événements clandestins contre les descentes.
Ensemble, les textes cryptiques et l’esthétique polarisante cultivent un mystère qui attise la curiosité des initié·es de la scène techno, tout en se protégeant contre l'attention indésirée.